Uncategorized

La réconciliation

Parvenue à l’âge du départ à la retraite, Monique a ressenti le besoin de raconter sa vie passée. Le temps était venu pour elle de poser des mots sur celle-ci et de les confier à ses proches. Elle m’a demandé de l’accompagner dans cette aventure en me précisant que son souhait était avant tout de mettre l’accent sur les épisodes heureux et cocasses de son enfance. C’était cela qu’elle voulait transmettre à ses enfants et petits-enfants. Plus précisément, elle désirait parler des six premières années de sa vie dont elle se souvenait grâce aux histoires que sa mère lui racontait le soir. Le reste, elle voulait bien l’évoquer, mais en filigrane.

Pourtant, au fil de nos rencontres, elle a ouvert le champ des souvenirs et a parlé de ce reste, des moments moins drôles, vraiment moins drôles qui l’ont heurtée. Au début, elle l’a fait sur la pointe des pieds, puis elle a progressé d’un pas décidé, comme elle l’a fait bien souvent. Elle a exprimé les drames qui ont jalonné sa vie, les yeux noyés de larmes, d’une voix inégale. Elle l’a fait oralement, en s’appuyant sur le texte qu’elle avait pris l’habitude d’écrire avant nos rendez-vous. J’ai fait mon travail de biographe en retranscrivant ses propos, puis en rédigeant un récit que je lui ai donné à relire, ce qu’elle faisait toujours avec soin.

Cette relecture lui permettait bien entendu de vérifier que la narration exprimait parfaitement sa pensée. Toutefois, elle a mis en exergue cette autre vertu que possède la démarche d’écriture biographique, celle de l’aider à mettre à distance les événements les plus douloureux : « Ça y est, je ne pleure plus », m’a-t-elle dit un jour, après avoir lu un passage relatant l’une des épreuves qu’elle a dû surmonter.

Si, en tant que biographe, j’ai pour objectif d’écouter les histoires de vie des gens et de les transcrire, l’effet que cela a produit sur Monique m’a beaucoup touché.

Et ce n’était pas le seul. Alors que nous étions absorbées par la recherche de photos destinées à illustrer son récit, elle m’a glissé quelques mots sur l’entretien téléphonique qu’elle avait eu quelques jours auparavant avec sa sœur. Après de longues années de silence, elle s’était résolue à reprendre contact avec elle. Monique m’a impressionnée, quel chemin parcouru en quelques mois !

L’écriture de son histoire de vie, maintenant terminée, il ne me reste plus qu’à lui trouver une forme qui la mettra en valeur, afin d’accompagner son parcours extraordinaire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *