Sollicité maintes fois par ses copains, René, marin à la retraite, a accepté d’écrire le récit de sa vie entière passée sur les bateaux. Cette affaire n’a pas été de tout repos pour lui, jouer avec les mots ne l’a jamais amusé et, pour compliquer sa tâche, certaines parcelles de sa mémoire se sont envolées un jour d’éclipse cérébrale. J’ajoute que René est en froid avec l’informatique dont il se tient farouchement éloigné. Il n’en a jamais eu besoin pour naviguer ! Ainsi, plusieurs cahiers lui ont été nécessaires pour rassembler ses souvenirs, un petit pour se lancer, puis de plus grands formats, des bleus et des verts. René m’a demandé…

Parvenue à l’âge du départ à la retraite, Monique a ressenti le besoin de raconter sa vie passée. Le temps était venu pour elle de poser des mots sur celle-ci et de les confier à ses proches. Elle m’a demandé de l’accompagner dans cette aventure en me précisant que son souhait était avant tout de mettre l’accent sur les épisodes heureux et cocasses de son enfance. C’était cela qu’elle voulait transmettre à ses enfants et petits-enfants. Plus précisément, elle désirait parler des six premières années de sa vie dont elle se souvenait grâce aux histoires que sa mère lui racontait le soir. Le reste, elle voulait bien l’évoquer, mais en…

Hier, j’avais rendez-vous avec Thérèse pour qui je rédige le récit de vie, à partir d’une montagne d’écrits qu’elle a accumulés au fil des ans. En arrivant dans mon bureau, à peine assise sur sa chaise, Thérèse m’a montré la chemise en papier qu’elle avait apportée. Sur la couverture de celle-ci, elle avait collé ma carte de visite et un extrait d’article de presse, puis avait écrit le titre du dossier en grosses lettres. Depuis des années, Thérèse épluche les journaux et découpe des articles dont les mots ont une résonance pour elle. Elle ouvre un nouveau dossier dès qu’un sujet l’interpelle, puis l’agrémente de ces mots collectés. Et moi,…

Chère Amandine, Les chances pour que nos routes se croisent un jour étaient aussi minces qu’une feuille de papier. Ton histoire de vie, je l’ai lue dans les journaux, il est trop tard pour l’entendre de ta propre voix, bien trop tard. Ma gorge se serre en lisant les articles criant l’ampleur des sévices endurés, commis, comble de l’horreur, par ceux qui auraient dû t’aimer et te protéger. Permets-moi de te témoigner ma tristesse à l’aide de mots certainement maladroits, de te livrer ma pensée meurtrie en découvrant l’expérience douloureuse que tu as eue de la vie, à la fois brève et tragique, impensable. Notre lâcheté et notre inefficacité à…

Observer les couleurs de l’aquarelle glisser sur le papier me fascine inlassablement. Au bout de mon pinceau, les pigments fusent, charriés par l’eau claire, et imprègnent la fibre. Le sujet de mon intention apparaît sur le blanc du papier, mais une part m’échappe, l’aquarelle ne se laissant pas maîtriser si facilement. Ce médium invite au lâcher-prise et à regarder le monde d’une autre façon, sans retouche. La peinture est un moyen d’expression qui parvient à m’extraire des remous de la vie. Elle m’attire vers mon monde intérieur. Lorsque je décide de prendre le pinceau, seules mes obligations incontournables me contraignent à le poser. Dans un silence indispensable, je passe des…

Lorsque je me trouve loin des animaux, ils me manquent indéniablement. J’ai besoin de leur présence et de nos échanges. Adolescente, j’entendais des commentaires qui réduisaient ce besoin à un caprice d’enfant, à un comportement bébête dont on se moquait. Pour autant, cela ne m’a jamais éloignée d’eux. Je constate que l’évolution des connaissances en éthologie mais aussi de nos valeurs modifie le regard porté sur eux. C’est un progrès, même s’il y a encore du chemin à parcourir. Il me semble qu’auprès des animaux, il est plus facile de revenir à l’essentiel, sans perdre une once d’humanité. Ils sont doués pour ça.Je garde de merveilleux souvenirs de moments passés…

J’ai le plaisir, actuellement, de rédiger la biographie d’un homme discret et pudique. Un homme dont la modestie lui interdisait de considérer sa vie passée pour ce qu’elle est : un joyau d’expériences serti d’émotions, que ses enfants et petits-enfants ont hâte de découvrir dans un livre. Confier l’histoire de sa vie à un biographe était un souhait de son fils qui l’a tout d’abord rendu perplexe : « à quoi cela peut-il servir ? Pourquoi mes enfants seraient-ils intéressés par des événements que j’ai vécus en partie sans eux ? » Ce faisant, sa réflexion l’a conduit à réaliser que son récit de vie est aussi celui de ses…

Je suis corse. A moitié ! Heureusement, le sentiment d’appartenance n’est pas une question de quantité. Je suis corse par mon père, originaire d’un village perché à 630 mètres sur les collines de la Castagniccia, au nord-est de l’île. De celui-ci et de la vie de mes ancêtres, je connais peu de choses. Née à Paris, j’ai vécu pendant plus de cinquante ans en région francilienne et il n’est pas dans les habitudes de ma famille paternelle d’évoquer l’histoire familiale. Pourtant, je suis fière de mes origines. Sans savoir de quoi au juste ! D’une image ? D’une idée ? Fière d’une île convoitée qui a souffert, dont les habitants se sont montrés…

Il y a un temps pour tout ! Chaque chose en son temps ! J’aime beaucoup ces expressions. Sexagénaire dans une pincée d’années, je m’interroge, depuis quelques temps, sur l’orientation à donner à ma vie, c’est-à-dire sur mon rôle, au regard de la personne que je ne suis plus, de celle que je suis et deviens. Est-ce-que j’aimerais secrètement retrouver mes vingt ans ? Non ! ce n’est pas ce que je demanderais à Aladin si un jour lui venait l’envie de passer me voir ! A quoi bon espérer rajeunir ? Pour en faire quoi ? Mis à part les désagréments physiques plus nombreux qu’avant et la légèreté attachée au jeune âge disparue, je préfère celle…

Plus nous avançons dans la vie, plus nous avons le sentiment que les jours rétrécissent ! Bien sûr, dans certaines situations désagréables, le temps semble ralentir. C’est ce que certains appellent la relativité ! Mais, globalement, les heures défilent à vive allure et nous avons parfois l’impression amère de ne pas en profiter pleinement. Et puis, un jour, nous arrêtons notre course et découvrons, ébahis, que les enfants ont si bien grandi qu’ils s’apprêtent à devenir eux-mêmes parents. Pour ma part, j’éprouve beaucoup d’intérêt et de plaisir à me rappeler ce que j’ai vécu. Evidemment, mes émotions, les bonnes et les moins bonnes, rivées à mes souvenirs, refont surface. Je…