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Je suis corse

Le sentiment d'appartenance

Je suis corse. A moitié ! Heureusement, le sentiment d’appartenance n’est pas une question de quantité. Je suis corse par mon père, originaire d’un village perché à 630 mètres sur les collines de la Castagniccia, au nord-est de l’île. De celui-ci et de la vie de mes ancêtres, je connais peu de choses. Née à Paris, j’ai vécu pendant plus de cinquante ans en région francilienne et il n’est pas dans les habitudes de ma famille paternelle d’évoquer l’histoire familiale.

Pourtant, je suis fière de mes origines. Sans savoir de quoi au juste ! D’une image ? D’une idée ? Fière d’une île convoitée qui a souffert, dont les habitants se sont montrés au fil des siècles combatifs ? D’une île dont le caractère fort, entier, résolu, se confondrait avec celui de ses occupants ? Oui, probablement. Peut-être aussi une île dont la pauvreté a contraint nombre de Corses à rechercher une vie meilleure sur le continent ou, plus loin, en Amérique ou en Afrique du Nord. Mais elle abrite aussi une société clanique, qui a du sang sur les mains, un sang indélébile qui entache les générations successives. Au-delà de ces réalités dont je ne mesure pas toujours la permanence, les îliens sont riches de leurs polyphonies qui font frissonner certains dont je fais partie et en irritent d’autres. Et de ce qu’ils protègent avec ardeur, leur langue, leurs gorges, torrents, montagnes, villages, leurs côtes incomparables et leur eau de mer cristalline. Lorsqu’on a traversé la Corse, il est difficile d’oublier ses paysages, accompagnés des senteurs du maquis, du chant des insectes, des animaux croisés au détour d’une route sinueuse, des couchers de soleil, des immortelles et des fruits mûrs.

Je suis fière de son authenticité, de sa beauté, de son caractère unique, même si je n’en connais que la partie émergée.

De cette origine, de quoi ai-je hérité ? je ne l’identifie pas vraiment. Alors que j’ai été élevée loin de cette terre, j’ai nécessairement été imprégnée de sa culture ou, a minima, du socle commun aux insulaires. Toutefois, lorsque j’étais enfant, les adultes de ma famille n’exprimaient pas ce qui caractérise celui-ci. J’ai ainsi intériorisé des principes éducatifs sans en connaître les ressorts. Distinguer la culture familiale de ce qui fonde la société corse était d’autant plus opaque pour moi qu’entre les membres de ma famille, les différences de caractère étaient notables. Il est normal que les individualités s’expriment, mais cela a complexifié mes observations. Enfant, j’ai parfois mal interprété l’accent de mes proches que je trouvais autoritaire. J’ai réalisé tardivement que ce ton n’était pas le propre d’une attitude colérique mais bien une tonalité propre à la langue corse, transposée sur la langue française. Je ne le voyais pas ainsi du haut de mon enfance, n’ayant été baignée qu’à moitié dans cette ambiance et ponctuellement lors des vacances scolaires, lorsque nous allions rendre visite à ma grand-mère.

Justement ma grand-mère ! Ayant très peu connu mon grand-père, elle était pour moi l’une des représentantes les plus emblématiques de la Corse. C’est à travers elle qu’enfant, je me suis forgée une image de l’île. Une représentation bâtie sur la notion de responsabilité et sur l’expérience qui était la sienne, issue d’un passé austère, mais aussi sur la famille, valeur première, le respect des aînés et les plaisirs qu’offrent la méditerranée et ses paysages alentours.

Même si je n’ai jamais vécu en Corse, même si je ne parle ni ne comprends la langue, je suis porteuse de certaines de ses valeurs, je suis imprégnée de ses chants et de ses parfums. En définitive, ce que je suis trouve sa source sur l’île de beauté. La Corse me définit, sans brider la part maternelle qui vit en moi, issue d’une autre région de France, mais également ce qui n’appartient qu’à moi, sans autre origine que moi-même.

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